mardi 4 mars 2008

Petite pensée pour une cigarette

J’ai toujours voulu être une cigarette. Certainement une Marlboro. Ou peut-être même la cigarette, ses dix-neuf compagnes et son contenant, le paquet tout entier. Oui, le paquet d’une sublime jeune fille. Une sublime créature aux lèvres rouge sang, et pulpeuses, et charnues, et qui donnent envie de les embrasser. Je serais donc la première clope de son paquet, la deuxième, et ainsi de suite, jusqu’à la dernière.

Machinalement, cette jeune fille, appelons-la mademoiselle B., ouvrirait son paquet avec une force que seuls les fumeurs invétérés connaissent, celle de l’envie, du besoin de fumer. Elle arracherait le plastique entourant le carton, relèverait le couvercle et déchirerait le papier aluminium qui referme l’intérieur. A cet instant, les yeux furtifs, perçants comme ceux d’un rapace repérant sa proie, elle me choisirait : moi, sa première cigarette. Elle me sortirait délicatement du paquet, avec ses doigts félins. Je pourrais alors apercevoir le café de sa tasse à moitié vide et un cendrier encore fumant d’une cigarette mal éteinte.

Et là, le bonheur éclaterait dans mon cœur brun, et l’excitation monterait en moi comme celle d’un enfant qui découvre son cadeau le jour de Noël. Et elle me porterait lentement à sa bouche, comme pour profiter au maximum du moment qui précède l’allumage. C’est alors que j’entendrais le crépitement et ce, plusieurs fois, d’un briquet qui fonctionne mal. Et elle finirait par m’allumer, m’illuminer.

Pshht, premières lueurs du tabac qui s’allume. Premières bouffées de mon baume salvateur d’envies brûlantes de nicotine. Je serais époustouflée par ses lèvres, par ses joues se gonflant et se dégonflant. Ses paupières se refermeraient sous la douce drogue qui agit. Je serais maintenant cette fumée bleutée qui vient chatouiller sa langue, sa glotte, sa gorge et ses poumons. Je serais cette expiration de fumée qui se répand dans l’air en spirales. Je serais aussi cette nicotine qui prolifère dans son sang, ébranlant ainsi sa nervosité, et qui lui procurerait le bien-être, son bien-être.

Elle me secouerait de ses doigts de fée pour me raccourcir de mes cendres. Et d’un geste vif, elle ferait tomber mes cendres. Entre temps, elle boirait son café, en observant les jeunes gens autour d’elle, souriant, riant, discutant ou buvant.

Et là, arriverait ma fin, ma consumation finale, mon dernier souffle : la dernière bouffée. Elle serait la plus intense, la plus excitante. Et elle m’écraserait à côté d’un mégot et sur des restes de cendres, des miennes et celles d’autres clopes.

J’ai toujours voulu être cette cigarette, ce bonheur en papier, filtre et tabac. Me faire embrasser, me consumer, lui donner du plaisir, intense et sensuel, que je serais seule à pouvoir donner. Mais envie, rêve, utopie ?



Pour celle qui est fascinée par les fumeurs, les beaux fumeurs...

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